La culture, reine des salons littéraires et philosophiques tunisiens, ouvre ainsi les portes sur un aspect ou un autre de la rencontre où se mêlent gens du monde, beaux esprits et gens de mérite.
Depuis 2011, la parole des Tunisiens s’est vite libérée et tous les sujets de discussion se sont démocratisés. Les gens qui n’osaient pas aborder, par peur, des sujets philosophiques liés notamment au religieux, au politique… se sont vu transporter, inonder, emporter, enivrer, enflammer, par la discussion de ces sujets. La psychose des téléphones sur écoute même éteints, au lendemain du 14 janvier 2011, c’était déjà un vieux souvenir…
Difficile, en effet, d’aborder avant 2011 un sujet philosophique lié à la religion, celle-ci, souvent conçue, dans les doctrines philosophiques des XIXe et XXe siècles, comme «scission de l’homme d’avec lui-même» (Feuerbach), comme expression «névrotique» (Freud), ou encore «La religion, réalisation fantastique de l’être humain, le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit d’une époque sans esprit. Elle est l’opium du peuple» (Marx). Ou de débattre encore de sujets de philosophie politique, comme les questions relatives au pouvoir, à la politique de l’État, au gouvernement, à la loi, à la politique, à la paix, à la justice, etc.
Tous ces sujets et d’autres encore d’ordre culturel ou bien d’actualité se discutent dans des salons privés à Tunis, chez des particuliers où l’intelligentsia tunisienne et européenne mordue de culture se rencontre pour reproduire d’une façon aussi différente mais avec les mêmes objectifs les rencontres des salons littéraires français de l’époque.
En effet, la formation des salons littéraires à l’ère moderne était particulièrement répandue en France, principalement dans la capitale Paris alors, comme aujourd’hui, le centre de la vie culturelle et mondaine. Le premier célèbre salon littéraire parisien a été ouvert par Catherine de Vivonne de Rambouillet, Marquise de Rambouillet (1588-1665) à sa résidence de l’hôtel de Rambouillet.
Sur son modèle, une fonction sociale et politique particulière a été réalisée dans l’«Age des Lumières» au XVIIIe siècle par des salons littéraires: une tradition culturelle déjà présente en France depuis l’époque de Louis XIV où on se rencontrait à intervalles réguliers chez une dame dans les «bureaux d’esprit».
Les réunions étaient organisées par des membres de haut rang de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie réformiste française qui invitaient les intellectuels chez eux pour converser et discuter de sujets d’actualité, philosophiques et culturels, dans le salon de Madame Geoffrin invitant des célébrités littéraires et philosophiques telles que Diderot, Marivaux, Grimm, Helvétius ou dans le salon du Baron d’Holbach, le « premier maître d’hôtel de la philosophie », où Diderot, d’Alembert, Helvétius, Marmontel, Raynal, Grimm, l’abbé Galiani et d’autres philosophes se réunissaient. Dans les salons, ils lisaient généralement des œuvres jugées politiquement «hérétiques» par l’absolutisme monarchique ou discutaient de ce qui se passait en dehors du monde du salon…
Les salons littéraires à Tunis réunissent, de nos jours, des intellectuels, écrivains, philosophes, poètes, diplomates, universitaires, femmes et hommes de médecine… prêts à aborder des sujets d’ordre culturel, poétique, littéraire, théâtral… Certains salons sont très prisés et il est difficile de faire partie de leurs membres. Les invitations sont personnelles et adressées par la maîtresse de maison directement à l’invité de marque, elle prendra soin de son hôte, le présentant au cercle d’amis, venus honorer la demeure de Monsieur et Madame.
D’autres salons restent relativement plus accessibles mais toujours sur invitation de la maîtresse de céans. La langue de communication pour tous est le français, qui s’impose d’office entre Tunisiens et entre Tunisiens et étrangers. Les quelques diplomates invités sont uniquement des hommes de culture et aucune référence à la politique tunisienne et/ou de leurs pays n’est admise. Par contre, les sujets politiques d’ordre général sont débattus.
La culture, reine des salons littéraires et philosophiques tunisiens, ouvre ainsi les portes sur un aspect ou un autre de la rencontre où se mêlent gens du monde, beaux esprits et gens de mérite.